Traduire la Canzone : Cavalcanti selon C. T. Brooks, Pound et Zukofsky
La canzone doctrinale de Cavalcanti, "Donna me prega", est la quintessence de la traduction dans la Toscane du XIIIe siècle de la voix ardue du "trobar clus" qui avait été celle des "cansos" d'Arnaut Daniel au siècle précédent en Provence. Difficulté et fuite du sens assurent, par l'appel inépuisable à l'interprétation, la pérennité d'une poésie d'amour intellectuelle transposant ce qui lui est par nature extérieur : le philosophique, en l'occurrence l'aristotélisme d'Averroès. À l'époque romantique, Rossetti, fasciné par Dante, n'entend ni la grandeur de la "canzone" ni celle de sa traduction par Charles Timothy Brooks dans un anglais qui redonne vie au poème de Cavalcanti en soulignant son hégélianisme "ante litteram". Malgré cet exploit trop méconnu de Brooks, Cavalcanti demeura encore un temps dans l'ombre de Dante, jusqu'à ce que Pound ne le traduise à son tour et ne montre comment le Toscan, écopoète longtemps avant l'heure, contrecarre la dissociation de la sensibilité en pensant poétiquement la joncti
on entre la nature et l'esprit. Enfin Zukofsky le retraduit encore, tout à la fois pour et contre Pound, transposant Cavalcanti au-delà du spinozisme et du marxisme. Sans doute n'avait-on pas encore assez bien compris qu'en traduisant "Donna me prega" en "A-9" Zukofsky démontre que le matérialisme aura été possible en Occident aussi et surtout grâce à Cavalcanti." Francesca Manzari, Professeur de Littératures comparées à l'Université d'Aix-Marseille où elle dirige le master Traduction littéraire, est spécialiste de poésie médiévale et moderne, respectivement dans les aires culturelles occitane, sicilienne, toscane et italienne, anglaise et française." [Résumé par l'éditeur].
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